The Last Airbender avait concrétisé en son temps le rêve inespéré des fans d'animés Japonais : voir un Shonen toujours débordant de générosité épique et d'imaginaire foisonnant mais enfin dénué de ses lacunes récurrentes. Fini les archétypes insupportables de protagonistes et place à des personnages qui s'émancipent de leurs rôles pour dégager un attendrissement incroyable, fini l'humour de bas étage et place à une comédie dynamique humanisant les héros sans les ridiculiser : autant d'ingrédients qui ont permis à Avatar de rehausser le niveau télévisuel d'une animation américaine qu'on croyait moribonde. Et il était difficile d'imaginer une suite plus enthousiasmante sur le papier que celle proposée par Legend Of Korra : une nouvelle génération de héros menés par un personnage principal féminin (élément encore trop rare pour être négligé) au sein d'un univers visuel beaucoup plus inspiré.

 

  En effet là où la première série exploitait intelligemment un imaginaire classique et efficace, Legend Of Korra ose enfin ce que les Occidentaux évitent malheureusement tandis que nos amis Japonais sont passés maîtres en la matière : le mélange des genres. Si la mythologie asiatique constitue toujours la moelle épinière de l'imaginaire de la série, cette dernière y ajoute une touche inattendue de Steampunk et de Film Noir offrant un contraste visuel étonnant entre tradition et modernité, digne des meilleurs RPG Japonais. Une innovation visuelle de surcroit enrichie par une amélioration spectaculaire de l'animation, beaucoup plus fluide et inventive que dans la série originelle, parvenant ainsi à Legend Of Korra de concrétiser le rêve de nombreuses séries animées américaines : égaler la qualité visuelle des animés Japonais. Enfin pour compléter ce parfait tableau de départ, la série présente des héros plus âgés évoluant de fait dans un univers plus nuancé. Un postulat d'autant plus intéressant que le principal défaut d'Avatar était son explicite problème de censure amoindrissant les effets dramatiques de la série là où Legend Of Korra, sans faire preuve d'une violence trop prononcée, exploite beaucoup mieux son intensité tragique.

  Hélas en dépit de son potentiel indéniable de surpasser son prédécesseur, il apparaît rapidement que Legend Of Korra n'est pas à la hauteur de Last AirBender constituant une suite tout à fait honorable mais qui, comme tant d'autres œuvres avant elle, a gagnée en qualité visuelle ce qu'elle y a perdue en humanité. Car si l'architecture visuelle de la série est irréprochable dans sa première saison, son écriture devient pour sa part vite problématique. Le problème narratif de Legend Of Korra pourrait être détaillé dans trois pages comme être résumé dans cette simple phrase : la série a ratée ses personnages principaux.

 

 

  Là où Aang et ses compagnons offraient un attachement croissant, Korra et ses amis oscillent en permanence entre exaspération et incompréhension. La faute en premier lieu à ces incessants triangles amoureux parfois à peine dignes de Twilight dénaturant en permanence la sincérité de l'amitié entre les personnages et donnant l'impression qu'une fan girl maladive a pris la place des scénaristes. La narration souffre également d'un problème plus épineux : le décalage entre l'âge des héros et leur comportement. De jeunes adultes peuvent difficilement paraître crédibles dans une attitude de jeunes adolescents et en faisant évoluer l'âge de ces personnages principaux, les scénaristes ont oubliés d'adapter leur écriture depuis The Last Airbender, en témoigne ce pauvre Bolin généralement bien ridicule là où Sokka parvenait à être immédiatement drôle. Enfin un dernier défaut du récit hélas bien regrettable : son héroïne. Certainement à cause d'une volonté louable de proposer un personnage féminin fort et indépendant au public, les scénaristes accentuent trop la spontanéité de Korra paraissant paradoxalement plus immature et énervante qu'Aang auparavant.

  Des défauts persistants durant la majorité de la série mais fort heureusement vite contrebalancés par le travail effectué sur la famille d'Aang réunissant une galerie importante de personnages beaucoup plus attendrissants et sincères. Peut être conscients de cette situation, les scénaristes donnent d'ailleurs une importance croissante aux descendants de Aang parvenant à susciter l'attachement des spectateurs et l'immersion émotionnelle à la place des personnages principaux. Enfin en dépit de ses inégalités narratives, la série parvient toujours efficacement à renouveler ses enjeux dramatiques et à enrichir la mythologie déjà exceptionnelle de son univers.

  A l’image du formidable double épisode consacré à la genèse mythologique des Avatar où en l’espace de deux épisodes, l’équipe créative de la série réalise un vrai prodige en offrant à l’animation américaine l’un de ses plus grands moments. Non seulement les scénaristes parviennent à proposer un personnage plus attachant et intéressant que l’héroïne de la série luttant face à des enjeux bien plus grands mais la direction artistique expérimente un rendu aquarelle du plus bel effet tout en offrant un imaginaire spirituel à en faire rêver les fans de Miyazaki. Certainement le plus beau moment qu’ait pu offrir la saga dans son intégralité, ce qui invite naturellement à un regard plus clément sur les maladresses narratives de Legend Of Korra.

 

  D’autant plus que ces dernières sont finalement amoindries dans la troisième saison, délaissant le spectaculaire décomplexé de ses affrontements pour une approche plus intimiste, davantage proche de la démarche de la première série où le récit se recentre sur l’humanisation des héros au détriment de leurs actions héroïques. Une évolution louable, signe d’une volonté sincère des scénaristes, et qui porte ses fruits, les personnages principaux parvenant enfin à susciter de l’attachement avec en premier lieu une héroïne devenue charismatique et empathique, en témoigne le plan final incroyablement poignant clôturant cette troisième saison.

  Au final, à l’image de son héroïne dont la volonté spirituelle se confronte à une moralité humaine de plus en plus ambiguë, la création de Legend Of Korra  aura vu ses rêves enthousiasmants être malmenés par son inégalité narrative. Et si cette inconstance ne permet pas à la série d’atteindre la qualité exceptionnelle de son prédécesseur, son amélioration progressive lui permet d’offrir, malgré toutes ses peines, l’une des meilleures séries animées de ces dernières années où au sein de son imaginaire florissant, le récit parvient toujours à nous inviter à la réconciliation entre les peuples et l’apaisement de nos querelles humaines. Un gage de qualité que bien peu de séries télévisées parviennent encore à offrir et pour lequel en dépit de ses lacunes Legend Of Korra mérite le respect.